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SUR DU GUESCLIN.

le cœur tout françois, il ne balança point a se déclarer pour celuy qui s’étoit mis sous la protection des lys. Il prit donc le party de Charles de Blois, et se mit en tête d’enlever par surprise un château qu’on appelloit Fougeray, qui dans ce temps étoit une place importante, et dont la prise pouvoit donner un grand poids aux prétentions du prince dont il avoit entrepris de soûtenir les intérêts. Il s’avisa, pour y reüssir, de se travestir en bucheron, pour se rendre moins suspect à ceux qui gardoient ce château. Soixante hommes qu’il avoit apposté pour seconder son dessein, luy furent d’un tres-grand secours pour l’exécuter à coup sûr.

Il partagea ce petit corps en quatre parties comme si c’étoient autant de bûcherons qui venoient les uns après les autres indifféremment pour vendre du bois dans la place. Il épia le temps que le gouverneur venoit d’en sortir avec une partie de sa garnison pour faire la tentative qu’il avoit méditée. Tout son monde avoit comme luy des armes cachées sous leur, juste au corps. Ils sortirent séparément d’une forêt voisine, dans laquelle ils avoient passé fort secrettement la dernière nuit ; ils parurent de grand matin chargez, qui çà, qui là, de bourées et de fagots sur leurs épaules. Comme on ne voyoit cette troupe que fort confusément de loin, le guet ne manqua pas de sonner, mais à mesure qu’ils approchèrent la défiance commença de cesser. Bertrand se présenta le premier dans ce bel équipage, et parut auprès du pont levis, couvert d’une robe blanche jusqu’aux genoux et chargé de bois par dessus. Le portier, qui ne se défioit de rien, vint luy quatriême abaisser le pont. Bertrand