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SUR DU GUESCLIN.

dissimuler ce qui luy tenoit au cœur, Sire, luy dit-il, je m’en apperçoy mauvaisement, car vous m’avez été tout mon ébat, et maudit soit l’argent qui se tient ainsi coy, plûtôt que de le departir à ceux qui guerroient vos ennemis. Le Roy, craignant qu’il ne s’émancipât, l’interompit en luy promettant qu’il alloit ouvrir ses coffres pour le contenter et luy donner dequoy payer les troupes qu’il commanderoit au printemps.

Bertrand, à ce discours prit la liberté de luy demander dequoy donc vivroient les garnisons qu’il avoit laissé dans les places pour garder la frontiere, et si Sa Majesté prétendoit quelles pillassent les pauvres païsans de la campagne pour trouver dequoy subsister, « Bertrand, ajouta le Roy, vous aurez vingt mille francs dans un mois. » Hé quoy. Sire, s’écria Guesclin, ce n’est pas pour un déjuner ! je voy bien qu’il me faudra departir de France : car je ne m’y sçay chevir, si me convient renoncer à l’office que j’ay. Le Roy tâchant de le radoucir en luy declarant qu’il ne pouvoit pas lever de grandes sommes dans son royaume, sans beaucoup fouler ses sujets, il luy repondit plaisamment : Hé, sire, que ne faites vous saillir ces deniers de ces gros chaperons fourrez, c’est à sçavoir prelats et avocats qui sont des mangeurs de Chrétien ? Le Roy fit la justice à Bertrand d’entrer dans ses sentimens. Il luy fit compter tout l’argent qu’il luy demanda pour payer les troupes, et le renvoya sur la frontière aussi satisfait qu’il étoit venu mécontent à Paris.

Le Besque de Vilaines, qui n’avoit point quité le service d’Henry, roy d’Espagne, eut moins de cha-