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ANCIENS MÉMOIRES

plioient, se débandoient et commençoient à lâcher le pied, s’en vint s’attacher sur Bertrand avec une rage qui le faisoit écumer comme un sanglier, et déchargeant un grand coup de sabre sur son casque, le fer ne fit que glisser à côté. Bertrand luy voulant donner là dessus le change à l’instant, le prit par la visiere, et le soulevant un peu, il luy passa sa dague dans la tête et luy perça l’œil droit. Les Anglois voyant la fâcheuse avanture qui venoit d’arriver à l’un de leurs generaux, gagnerent au pied et laisserent le champ de bataille aux François, qui comptèrent plus de cinq cens de leurs ennemis qu’ils trouverent morts couchez par terre.

Jean d’Evreux, le sire d’Angoris et plusieurs autres chevaliers y demeurerent prisonniers. Il n’y avoit pas jusqu’au moindre goujat qui n’en eût quelqu’un dont il comptoit d’avoir une bonne rançon ; mais comme il y avoit entre les François de la contestation pour sçavoir auquel appartenoit chaque prisonnier, Guesclin, pour les accorder, leur commanda de les mettre tous au fil de l’épée, si bien qu’il n’y eut que les chefs anglois qui furent épargnez. Ceux de Cisay voyans la défaite entière de ceux qui venoient à leur secours, ne balancerent point à ouvrir leurs portes aux vainqueurs. Bertrand, qui ne se lassoit jamais de combattre et de vaincre, voulut de ce pas marcher à Niort, disant qu’il y vouloit souper, et que chacun se mît en devoir de le suivre. Il se servit d’un artifice qui luy reüssit, commandant à ses gens de se revêtir des habits des Anglois, et de porter leurs mêmes drapeaux. Ceux de Niort voyans ces croix rouges avec ces chemises de