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ANCIENS MÉMOIRES

persuadant qu’elle ne pouvoient être commandées par un general plus fameux ny plus experimenté que luy ; que même son maître avoit dessein de luy donner l’épée de connétable, parce que le seigneur de Fiennes, qu’il avoit honoré de cette premiere dignité militaire, étoit si vieux et si cassé qu’il n’étoit plus en état d’en exercer les fonctions ; enfin que la nouvelle qu’il luy annonçoit étoit si véritable, qu’il la verroit confirmée par les patentes et les depêches de Sa Majesté, dont il étoit porteur, et qu’il avoit ordre de luy mettre en main. Bertrand ouvrit aussitôt le paquet ; il trouva qu’il quadroit mot pour mot à tout ce que le gentilhomme luy avoit avancé, sur la lecture que luy en fit son secretaire ; car Bertrand, comme j’ay déjà dit, ne sçavoit pas lire. Il regala cet agréable député de fort beaux presens, et fit aussitôt rêcrire au Roy qu’il s’alloit disposer à faire tout ce que Sa Majesté luy faisoit l’honneur de luy commander, et chargea le même gentilhomme de luy porter cette réponse.

Henry, qui n’étoit pas encore maître de Tolede, ne s’accommodoit pas de cette nouvelle que luy donna Bertrand. Il le pria, devant que de songer à le quiter, de vouloir couronner en sa faveur ce qu’il avoit si genereusement commencé, luy disant qu’il ne restoit plus rien à prendre que Tolede, afin qu’il luy fût redevable de sa couronne entiere. Guesclin brûloit d’envie d’aller au plûtôt en France ; mais il ne pouvoit honnêtement abandonner Henry, qui le conjuroit de rester, parce qu’il sçavoit que la présence et la reputation de Bertrand étoient d’un grand poids pour le succés de ce siege. On tint donc conseil de guerre pour deliberer sur les moyens de se rendre dans peu maître