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SUR DU GUESCLIN.

de Tolede. Bertrand fut d’avis qu’il falloit presenter devant cette ville l’étendard de Pierre, afin que les bourgeois, à ce spectacle, ne doutassent plus de sa mort ou de sa défaite. On suivit son conseil, et quand le gouverneur de la place apperçut cette enseigne, il demanda, du haut des murs, ce que tout cela vouloit dire. Henry se présenta pour demêler cette énigme, en luy témoignant qu’on luy vouloit apprendre par là, que le roy Pierre avoit été battu, pris et non seulement décapité, mais sa tête jettée dans un bras de mer par les habitans de Seville, qui n’avoient pû souffrir devant leurs yeux cet objet de leur execration. Le gouverneur ne voulut point deferer à cette nouvelle, se persuadant que cette enseigne étoit contrefaite, et que c’étoit un piège qu’on luy avoit tendu pour l’obliger à se rendre sur ce leürre grossier. Il jura qu’il ne rendroit la place qu’à son maître Pierre. Henry se voyant pressé par Bertrand, à qui les pieds brûloient, tant il avoit d’empressement d’aller en France, répondit à ce commandant que si dans quatre jours il ne luy apportoit les clefs de Tolede, il le feroit traîner mort sur la claye tout autour de la ville, comme il alloit ordonner qu’on fit de l’étendard de Pierre. En effet, après l’avoir fait promener longtemps sous les murailles de Tolede, couché contre terre, il le fit dechirer aux yeux des assiegez et jetter dans un fossé.

Ce spectacle qui devoit intimider ce commandant, ne fit que l’endurcir encore davantage dans sa premiere obstination ; car il déclara qu’avant que de se rendre, les assiegez mangeroient de cinq hommes l’un, pour se garantir de la famine qui commençoit