Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 37.djvu/125

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voit pas toujours aimée autant qu’elle méritoit, à cause qu’il étoit trop galant, pour ne pas dire pis. Mais quand elle mourut, il commençoit à connoître ses belles qualités et sa capacité. Il la laissoit alors gouverner son royaume : ce qu’elle faisoit avec beaucoup de gloire ; si bien qu’il la regretta infiniment. J’ai ouï dire à feu ma mère, qui avoit eu l’honneur d’être connue d’elle à son retour d’Espagne, peu de temps avant que cette princesse partît de France, qu’elle étoit belle et agréable, et qu’elle s’en alla bien contente, se voyant reine d’un si grand royaume. Elle y vécut quelques années agréablement. Le prince d’Espagne étoit beau et bien fait, et ils s’aimèrent. On a même cru que le Roi son beau-père, la trouvant belle, différa de les mettre ensemble, prétendant la prendre pour lui-même. On m’a dit depuis que cela n’étoit véritable qu’en ce qu’il l’aima comme sa fille, et fort tendrement. Mais le prince son mari, après être devenu Roi, eut tant de maîtresses de toutes conditions, que, par la jalousie qu’elle eut raison d’avoir, toute sa vie fut pour elle un tourment aussi sensible qu’il fut long et douloureux. Elle eut sujet de s’en plaindre, mais ses plaintes furent toujours inutiles ; et quoiqu’elle fût aussi chaste qu’il étoit voluptueux, les coutumes d’Espagne furent d’abord rigoureuses pour elle. La reine d’Angleterre, long-temps après la mort de cette princesse, m’a conté que le roi d’Angleterre son mari, étant prince de Galles, fit un voyage en Espagne pour demander l’Infante, sœur cadette de la Reine notre maîtresse, qui depuis a été impératrice ; qu’ayant trouvé la reine d’Espagne à son gré, il avoit quelquefois cherché l’occasion de lui parler sans truchement :