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désespéré à se taire ; et la mère, se lassant de pleurer, commença à calmer son esprit : si bien que madame la princesse la ramena chez elle, et le temps la consola en apparence et en effet, mais ne la fit pas moins fière ou moins dissimulée ; car, après le retour de la comtesse de Châtillon sa fille, ce fut elle qui se rendit la dernière à lui pardonner son mariage. Il ne fut pas si heureux qu’apparemment il le devoit être. Le comte de Châtillon se dégoûta par la possession : il aima une des filles de la Reine, qui n’étoit pas si belle que sa femme ; et cette dame, outre le tourment de la jalousie, eut la douleur de le perdre, car il fut tué quelques années après. Nous verrons ensuite cette belle veuve prendre la place de mademoiselle Du Vigean qui, se faisant carmélite après ce mariage, laissa le cœur du duc d’Enghien en proie à celles qui voulurent l’attaquer, non sans soupçon d’avoir eu à son tour quelque sujet de se plaindre de lui. C’est néanmoins une chose crue de tout le monde qu’elle a été la seule que ce prince ait véritablement aimée.

Cette année fut fertile en mariages de cette nature. Peu auparavant celui du comte de Châtillon, le chevalier de Bois-Dauphin[1], de l’illustre maison de Laval, bien fait et considéré du duc d’Enghien, par les soins de la marquise de Sablé sa mère, fut assez heureux pour plaire à la marquise de Coaslin, fille du chancelier Seguier, qui, sans parler à son père, usa si hardiment des droits de veuvage qu’elle se maria dans Paris publiquement, sans que pas un de ses proches en sût rien. Le chancelier en fut au désespoir :

  1. Le chevalier de Bois-Dauphin : Gilles de Laval. Il mourut deux ans après.