Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 37.djvu/139

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il fit du bruit ; mais enfin il lui pardonna, parce que le marquis de Laval sut faire voir à son beau-père que le mérite et la naissance sont deux grandes choses ensemble. Il en reçut plus de soutien et d’assistance dans les occasions où il en eut besoin que du duc de Sully, son autre gendre ; et, s’il eût vécu, il auroit apparemment obtenu quelque éclatante faveur de la fortune. Aussitôt qu’il se vit du bien, l’ambition posséda son ame, toutes choses dès lors lui parurent trop petites pour lui. Ses désirs, pour être déréglés, n’en auroient pas été peut-être moins heureux, car c’est plutôt par l’application et l’empressement que par la sagesse qu’on parvient à se rendre considérable. Il s’étonnoit lui-même de son changement, et disoit qu’étant chevalier et gueux, toute sa pensée n’alloit qu’à attraper dix pistoles pour rouler ; mais qu’aussitôt qu’il s’étoit senti avoir des ailes pour pouvoir voler plus haut, aucune chose ne le pouvoit contenter, et qu’il ne pouvoit plus arrêter ses désirs, à moins que d’être maréchal de France et ensuite connétable.

[1645] Le printemps de cette année ayant convié les princes d’aller à l’armée, ils partirent en donnant de publiques marques de l’impatience qu’ils avoient d’aller travailler à la gloire de la France et au bonheur de l’État. Le duc d’Orléans alla commander l’armée de Flandre, le duc d’Enghien celle d’Allemagne, et la Reine passa cette année une bonne partie de l’été à Paris. Le duc d’Enghien, après avoir à son ordinaire porté la terreur et l’effroi en Allemagne, donna une bataille à Nortlinghen[1], qui a été une des plus belles ac-

  1. Une bataille à Nortlinghen : Cette bataille fut livrée le 3 août 1645. Merci, général des troupes impériales, y fut tué.