Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 37.djvu/41

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cause de ses grands biens, et qui suivoit immédiatement les princes du sang, et ne pouvoit se considérer comme tout-à-fait digne d’elle, soit à cause de la naissance, soit à cause de son âge ; outre qu’il étoit amoureux de madame de Montbazon. Ces deux personnes, parmi tant de raisons de ne se pouvoir aimer, avoient de grandes dispositions à se nuire ; et la parfaite beauté de madame de Longueville, sa jeunesse et sa propre grandeur, la convioient souvent à regarder sa rivale avec mépris. Il arriva donc qu’un jour madame de Montbazon étant chez elle dans un grand cercle, une de ses demoiselles trouva une lettre dans sa chambre, et, l’ayant ramassée, la porta à sa maîtresse. Cette lettre se trouva d’une écriture de femme qui écrivoit tendrement à quelqu’un qu’elle ne haïssoit pas. Comme pour l’ordinaire de telles matières sont toujours l’entretien de toutes les compagnies, et qu’on préfère celles-là à toute autre chose, on ne négligea pas le sujet de risée que cette lettre donna à ceux qui composoient celle de madame de Montbazon. De la gaieté on vint à la curiosité, de la curiosité au soupçon, et du soupçon on passa jusqu’à décider qu’elle étoit tombée de la poche de Coligny qui venoit de sortir, et qui, à ce qui se disoit à l’oreille, avoit de la passion pour madame de Longueville. Cette princesse étoit alors dans une grande réputation de vertu et de sagesse, mais elle ne laissoit pas d’être soupçonnée de ne pas haïr l’adoration et les louanges. Les premiers qui chez madame de Montbazon dirent après elle que cette lettre étoit de madame de Longueville ne le crurent pas en effet. Ce ne fut alors qu’une histoire plaisante dont chacun faisoit le conte à son ami