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DU CARDINAL DE RETZ. [1649]

me l’insinuer. Il me l’expliqua ainsi un moment après qu’il eut le moyen de me parler seul, et me dit que je ne devois pas avoir au moins seul les gants de ma proposition ; qu’elle lui étoit venue dans l’esprit, dès qu’il eut appris la désertion de l’armée de monsieur son frère ; qu’il avoit même le moyen de l’améliorer en la faisant goûter aux Espagnols ; qu’il avoit été sur le point cinq ou six fois en un jour de me la communiquer : mais que madame sa femme s’y étoit toujours opposée avec une telle fermeté et avec tant de larmes, qu’enfin elle lui avoit fait donner parole de n’y plus penser, et de s’accommoder avec la cour, ou de prendre parti avec l’Espagne. « Je vois bien, me dit-il, que vous ne voulez pas du second ; aidez-moi au premier, je vous en conjure : vous voyez la confiance que j’ai en vous. »

Comme messieurs de Beaufort et de La Mothe nous rejoignirent avec le président de Bellièvre, je n’eus que le temps de serrer la main à M. de Bouillon, qui ensuite expliqua en peu de mots à M. de Bellièvre le commencement de notre conversation, et lui témoigna qu’il ne pouvoit prendre le parti que je lui avois proposé, parce qu’il risquoit pour jamais toute sa maison, à laquelle il seroit responsable de sa ruine. Il n’oublia rien pour lui persuader qu’il jouoit le droit du jeu, de ne pas entrer dans ma proposition (je le remarquai, et je vous en dirai tantôt la raison) ; et se tournant ensuite vers M. de Beaufort et vers moi : « Mais entendons-nous, dit-il, comme vous l’avez tantôt proposé. Ne consentez à la paix au moins que par votre voix au parlement, que sous la condition de l’exclusion du Mazarin je me joindrai à vous,