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droient, par l’événement à M. le prince même. Je sais bien que je hasarde, et que vous pouvez abuser de ma confiance ; mais je sais bien qu’il faut hasarder pour servir M. le prince ; et que, dans la conjoncture présente, on ne le peut servir sans hasarder précisément ce que je hasarde. Vous m’en montrez l’exemple vous êtes ici sur ma parole, vous êtes ici entre mes mains. »

J’avois naturellement de l’inclination à servir M. le prince ; mais je crois que le procédé si net et si habile de la palatine m’y eût engagé, quand je n’y aurois pas été aussi porté. Je commençai à l’aimer car elle eut autant de bonté à me confier les raisons de ses sentimens, qu’elle avoit eu d’habileté à me les persuader. Dès qu’elle vit que je répondais à sa franchise, non plus par des honnêtetés sur les faits, mais par des ouvertures sur les motifs, elle quitta la plume dont elle écrivoit son mémoire. Elle me fit le plan de son parti elle me dit que le premier président vouloit la liberté de M. le prince et par lui-même et par Champlâtreux, mais qu’il l’espéroit par la cour, et qu’il ne la vouloit point par la guerre que le maréchal de Gramont la souhaitoit plus qu’homme de France, mais qu’elle n’en connoissoit pas un plus propre à serrer ses liens, parce qu’il seroit toute sa vie la dupe du cabinet ; que madame de Montbazon leur faisoit tous les jours espérer M. de Beaufort, mais que l’on comptoit sa foi pour rien, et son pouvoir pour peu de chose ; qu’Arnauld et Viole vouloient la liberté de messieurs les princes pour leur intérêt particulier, et que leur avidité toute seule soutenoit leurs espérances que Croissy étoit persuadé qu’il n’y avoit rien