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[1651] MÉMOIRES

Monsieur un peu ébranlé, il manda les gens du Roi. Talon, avocat général, fit une des plus belles actions qui se soient jamais faites en ce genre. Je n’ai jamais rien ouï ni lu de plus éloquent[1] : il accompagna ces paroles de tout ce qui leur put donner de la force ; il invoqua les mânes de Henri-le-Grand ; il recommanda la France en général à saint Louis, un genou en terre. Vous vous imaginez peut-être que vous auriez ri à ce spectacle ; mais vous en eussiez été émue comme toute la compagnie, qui s’émut si fortement, que j’en vis la clameur des enquêtes commencer à s’affoiblir. Le premier président, qui s’en aperçut comme moi, se voulut servir de l’occasion ; et il proposa à Monsieur de prendre l’avis de la compagnie. Je me souviens que Barillon vous racontoit un jour cet endroit. Comme je vis que Monsieur s’ébranloit, et commençoit même à dire qu’il feroit tout ce que le parlement lui conseilleroit, je pris la parole, et dis que le conseil que Monsieur demandoit n’étoit pas s’il iroit ou s’il n’iroit pas au Palais-Royal, puisqu’il s’étoit déjà déclaré plus de vingt fois sur cela : mais qu’il vouloit seulement demander à la compagnie la manière dont elle jugeroit à propos qu’il s’excusât envers la Reine. Monsieur m’entendit bien ; il comprit qu’il s’étoit trop avancé ; il avoua mon explication, et Brienne fut renvoyé avec cette réponse, que Monsieur rendroit à la Reine ses très-humbles devoirs aussitôt que les princes seroient en liberté, et que le cardinal Mazarin seroit

  1. Je n’ai jamais rien ouï ni lu de plus éloquent : C’est cependant sur cette harangue que Joly s’exprime ainsi dans ses Mémoires : « Talon voulut faire la grimace de pleurer comme le premier président : mais ce jeu fut traité, comme il le méritoit, de badin et de ridicule. »