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[1651] MÉMOIRES

de Chevreuse. Le bruit de ce grand coup d’État a été si universel, qu’il faut, à mon avis, qu’il ait été semé pour plus d’une fin ; et je suis persuadé que l’on fut bien aise de s’en servir pour m’ôter de la pensée qu’on eût eu dessein de sortir de Paris le jour que l’on faisoit effectivement état d’en sortir. Ce qui augmenta fort mon soupçon est que la Reine, qui avoit toujours donné des délais, s’étoit relâchée tout à coup, et avoit offert d’envoyer le garde des sceaux à Monsieur, et de terminer l’affaire des princes. Je dis à Monsieur toutes mes conjectures, et je le suppliai d’y faire réflexion. Je le pressai, je l’importunai. Le garde des sceaux, qui vint sur le soir régler avec lui les ordres qu’on promettoit d’envoyer dès le lendemain pour la liberté des princes, l’assura pleinement. Je ne pus rien gagner sur lui, et je m’en revins chez moi, très-persuadé que nous aurions bientôt quelque scène nouvelle. Je m’étois presque endormi, quand un gentilhomme ordinaire de Monsieur tira le rideau de mon lit, et me dit que Son Altesse Royale me demandoit. J’eus la curiosité d’en savoir la cause ; et tout ce qu’il m’en put apprendre fut que mademoiselle de Chevreuse étoit venue éveiller Monsieur. Comme je m’habillois, un page m’apporta un billet d’elle : il n’y avoit que ces mots : « Venez en diligence au Luxembourg, et prenez garde à vous par les chemins. » Je trouvai mademoiselle de Chevreuse assise sur un coffre dans sa chambre. Elle me dit que madame sa mère, qui s’étoit trouvée mal, l’avoit envoyée à Monsieur, pour lui faire savoir que le Roi étoit sur le point de sortir de Paris ; qu’il s’étoit couché à l’ordinaire, et qu’il venoit de se relever, et qu’il étoit même déjà