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DU CARDINAL DE RETZ. [1651]

tout botté. Véritablement l’avis venoit d’assez bon lieu. Le maréchal d’Aumont, capitaine des gardes en quartier, le faisoit donner sous main et de concert avec le maréchal d’Albret, par la seule vue de ne pas rejeter le royaume dans une confusion aussi effroyable que celle qu’il prévoyoit. Le maréchal de Villeroy avoit fait donner au même instant le même avis par le garde des sceaux. Mademoiselle de Chevreuse ajouta qu’elle croyoit que nous aurions bien de la peine à faire prendre une bonne résolution à Monsieur, parce que la première parole qu’il lui avoit dite, lorsqu’elle l’avoit éveillé, étoit : « Envoyez querir le coadjuteur. Toutefois qu’y a-t-il à faire ? » Nous entrâmes dans la chambre de Madame, où Monsieur étoit couché avec elle. Il me dit d’abord : « Vous l’aviez bien dit : que ferons-nous ? — Il n’y a qu’un parti, lui répondis-je : c’est de se saisir des portes de Paris. — Le moyen, à l’heure qu’il est ? reprit-il. » Les hommes en cet état ne parlent que par monosyllabes. Je me souviens que je le fis remarquer à mademoiselle de Chevreuse. Elle fit des merveilles : Madame se surpassa. On ne put jamais rien gagner de positif sur l’esprit de Monsieur ; et tout ce que l’on en put tirer fut qu’il enverroit de Souches, capitaine de ses Suisses, chez la Reine, pour là supplier de faire réflexion sur les suites d’une action de cette nature. Cela suffira, disoit Monsieur ; car quand la Reine verra que sa résolution est pénétrée, elle n’aura garde de s’exposer l’entreprendre. Madame voyant que cet expédient n’étant pas accompagné seroit capable de tout perdre, et que pourtant Monsieur ne pouvoit se résoudre à donner aucun ordre,