Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/260

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
257
DU CARDINAL DE RETZ. [1651]

Royale. Je le vis donc la nuit chez le vicomte d’Autel, qui avoit sa chambre au Luxembourg, mais qui avoit aussi son logis dans la rue d’Enfer. Il me parla sans façonner de la part de la Reine ; il me dit qu’elle avoit toujours de la bonté pour moi ; qu’elle ne me vouloit point perdre ; qu’elle m’en donnoit une marque, en m’avertissant que j’étois sur le bord du précipice ; que M. le prince traitoit avec elle ; qu’elle ne pouvoit s’ouvrir davantage, n’étant pas assurée de moi ; mais que si je voulois m’engager à son service, elle me feroit toucher le détail au doigt et à l’œil. Cela étoit, comme vous voyez, un peu trop général. Je répondis qu’en mon particulier je ne douterois jamais de quoi que ce soit qu’il plût à la Reine de me faire dire ; qu’elle jugeoit bien que Monsieur étant aussi engagé qu’il l’étoit à M. le prince, il ne romproit pas avec lui, à moins non-seulement qu’on lui fit voir des faits, mais qu’il pût lui-même les faire voir au public. Cette parole, qui étoit pourtant très-raisonnable, aigrit beaucoup la Reine contre moi. Elle dit au maréchal : « Il veut périr : il périra. » Je l’ai su de lui-même plus de dix ans après. Voici ce qu’elle vouloit dire : Servien et Lyonne traitoient avec M. le prince, et ils lui promettoient pour lui le gouvernement de Guienne, celui de Provence pour son frère, la lieutenance de roi de Guienne, et le gouvernement de Blaye pour La Rochefoucauld, qui étoit du secret de la négociation, et qui y étoit même présent. M. le prince devoit avoir par ce traité ses troupes entretenues dans ses provinces, à la réserve de celles qui seroient en garnison dans les places qu’on lui avoit déjà rendues. Il avoit mis Meillant dans