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DU CARDINAL DE RETZ. [1651]

quai pas ; il me mena au petit oratoire, par un degré dérobé. La Reine y entra un quart d’heure après le maréchal sortit, et je restai tout seul avec elle. Sa Majesté n’oublia rien, pour m’obliger à prendre le titre de ministre et l’appartement du cardinal au Palais-Royal, que ce qui étoit précisément et uniquement nécessaire pour m’y résoudre car je connus clairement qu’elle avoit plus que jamais le cardinal dans l’esprit et dans le cœur ; et quoiqu’elle affectât de me dire que bien qu’elle l’estimât beaucoup et qu’elle l’aimât fort, elle ne vouloit pas perdre l’État pour lui, j’eus tout lieu de croire qu’elle y étoit plus disposée que jamais. Je fus convaincu, avant même que je sortisse de l’oratoire, que je ne me trompois pas dans mon jugement ; car aussitôt qu’elle eut vu que je ne me rendois pas sur le ministère, elle me montra le cardinalat, mais comme le prix des efforts que je ferois pour l’amour d’elle me disoit-elle, pour le rétablissement du Mazarin. Je crus alors qu’il étoit nécessaire que je m’ouvrisse, quoique le pas fût fort délicat ; mais j’ai toute ma vie estimé que quand on se trouve obligé à faire un discours que l’on prévoit ne devoir pas agréer, l’on ne peut lui donner trop d’apparence de sincérité ; parce que c’est l’unique voie pour l’adoucir. Voici ce que, sur ce principe je dis à la Reine :

« Je suis au désespoir, madame, qu’il ait plu à Dieu de réduire les affaires dans un état qui ne permet pas seulement, mais qui ordonne même à un sujet de parler à sa souveraine comme je vais parler à Votre Majesté. Elle sait mieux que personne que l’un de mes crimes auprès du cardinal est d’avoir