Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/317

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coup sur la manière dont il étoit convenu à midi ; et je connus encore en cette rencontre que de toutes les passions la peur est celle qui affoiblit davantage le jugement, et que ceux qui en sont possédés retiennent aisément les impressions qu’elle leur inspire même dans le temps où ils se défendent, ou plutôt où on les défend des mouvemens qu’elle leur donne. J’ai fait cette observation trois ou quatre fois en ma vie.

Comme la conversation avec Monsieur s’échauffoit plus sur les termes que sur la substance des choses, dont il me paroissoit que je l’avois assez convaincu le maréchal de Gramont entra. Il venoit de rendre compte à la Reine du voyage de Saint-Maur, dont je vous ai déjà parlé : et comme il étoit fort piqué du refus que M. le prince lui avoit fait de l’écouter en particulier, il donna à son voyage et à sa négociation un air de ridicule qui ne me fut pas inutile. Monsieur, qui étoit l’homme du monde qui aimoit le plus à se jouer, prit un plaisir sensible à la description des États de la Ligue assemblés à Saint-Maur (ce fut ainsi que le maréchal appela le conseil devant lequel il avoit parlé). Il peignit fort plaisamment tous ceux qui le composoient ; et je m’aperçus que cette idée de plaisanterie diminua beaucoup dans l’esprit de Monsieur la frayeur qu’il avoit conçue du parti de M. le prince.

Je reçus, au moment que le maréchal de Gramont partit d’auprès de Monsieur, un billet de madame la palatine, qui ne me servit pas moins à lui faire connoître que les mesures du Palais-Royal n’étoient pas encore si sûres qu’il fût encore temps d’y bâtir