Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/319

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parce que tant que l’on feroit paroître qu’on le craignît comme proche, on tiendroit les peuples et même les parlemens en défiance et en chaleur. Je commençai ma députation vers la Reine par ce préambule, qui, pour vous dire le vrai, n’étoit pas fort nécessaire et je m’arrêtai en cet endroit pour essayer de juger, par la manière dont elle recevroit un discours dont le fond lui étoit très-désagréable, si un avis que l’on me donna en sortant de chez Monsieur étoit bien fondé. Valois, qui étoit à lui, m’assura, comme je montois en carrosse, qu’il avoit ouï Chavigny, qui disoit à l’oreille à Goulas que la Reine étoit, depuis midi, dans une fierté qui lui faisoit craindre qu’elle n’eut quelques négociations cachées et souterraines avec M. le prince. Je n’en trouvai aucune apparence ni dans son air ni dans ses paroles : elle écouta tout ce que je lui dis fort paisiblement et sans s’émouvoir ; et je fus obligé de passer plus tôt que je n’avois cru au véritable sujet de mon ambassade qui étoit de la supplier de s’expliquer pour une bonne fois, avec Monsieur, de la manière dont il plaisoit à Sa Majesté qu’il se conduisît à l’égard de M. le prince ; que l’ouverture pleine et entière étoit encore plus de son service en cette conjoncture que de l’intérêt de Monsieur, parce que les moindres pas qui ne seroient pas concertés seroient capables de donner des avantages à M. le prince d’autant plus dangereux qu’ils jeteroient de la défiance dans les esprits, en une occasion où la confiance se pouvoit presque dire uniquement nécessaire. La Reine m’arrêta à ce mot, et me dit d’un air qui me paroissoit fort naturel et même bon « À quoi ai-je manqué ?