Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/341

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état que je ne puis bien vous exprimer qu’en vous suppliant de vous ressouvenir de celui où il n’est pas possible que vous ne vous soyez trouvée quelquefois. N’avez-vous jamais agi sur des suppositions qui ne vous plaisoient pas ? Et n’est-il pas vrai pourtant que quand ces suppositions ne se sont point trouvées bien fondées, vous avez senti en vous-même un combat qui s’y est formé entre la joie de vous être trompée à votre avantage, et le regret d’avoir perdu les pas que vous y aviez faits ? Je me suis retrouvé mille fois moi-même dans cette idée. Monsieur étoit ravi de ce que la Reine étoit bien plus éloignée de l’accommodement qu’il ne l’avoit cru mais il étoit au désespoir d’avoir fait les avances qu’il avoit faites vers M. le prince, et qu’il avoit faites dans la vue de cet accommodement, qu’il croyoit bien avancé. Les hommes qui se rencontrent en cet état sont pour l’ordinaire assez long-temps à croire qu’ils ne se sont pas trompés ; même après qu’ils s’en sont aperçus parce que la difficulté qu’ils trouvent à découdre le tissu qu’ils ont commencé fait qu’ils s’y font des objections à-eux-mêmes : et ces objections, qui leur paroissent être des effets de leurs raisonnemens, ne sont presque que des suites naturelles de leurs inclinations. Monsieur, comme je l’ai déjà dit plusieurs fois, étoit timide et paresseux au souverain degré. Je vis, dans le moment que je lui appris le changement de la Reine, un air de gaieté et d’embarras tout ensemble sur son visage. Je ne le puis exprimer, mais je me le représente fort au naturel ; et quand je n’aurois pas eu d’ailleurs la lumière des pas qu’il avoit faits vers M. le prince, j’aurois lu dans ses yeux qu’il