Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/401

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étoient attachés à la cour, et qui fussent venus de bon cœur avec moi pour l’affaire de la Reine, s’y trouvassent, de peur qu’ils ne me donnassent quelque teinture ou plutôt quelque apparence de mazarinisme : de sorte qu’à la réserve de trois ou quatre qui, quoique attachés à la Reine, passoient pour mes amis en particulier, je n’avois auprès de moi que la noblesse frondeuse, qui n’approchoit pas en nombre de celle qui suivoit M. le prince. Ce désavantage étoit, à mon sens, plus que suffisamment récompensé, et par le pouvoir que j’avois assurément beaucoup plus grand parmi le peuple, et par les postes dont je m’étois assuré. Chateaubriand, qui étoit demeuré dans les rues pour observer la marche de M. le prince, m’étant venu dire, en présence de beaucoup de gens, que M. le prince seroit dans un demi-quart d’heure au Palais ; qu’il avoit, pour le moins, autant de monde que nous, mais que nous avions pris nos postes (ce qui nous étoit d’un grand avantage), je lui répondis : « Il n’y a certainement que la salle du Palais où nous les sussions mieux prendre que M. le prince. » Je sentis dans moi-même, en disant cette parole, qu’elle provenoit d’un mouvement de honte que j’avois de souffrir une comparaison d’un prince avec moi. Ma réflexion ne démentit point mon mouvement : j’eusse fait plus sagement si je l’eusse conservé plus long-temps, comme vous l’allez voir. Comme M. le prince eut pris sa place, il dit à la compagnie qu’il ne pouvoit assez s’étonner de l’état où il trouvoit le Palais ; qu’il paroissoit plutôt un camp qu’un temple de justice ; qu’il y avoit des postes pris, des gens commandés, des mots de ralliement ; et