Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/405

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fait civilité lorsque je passois, et m’ayant témoigné de la joie de l’adoucissement qui commerçoit de paroître, deux gardes de M. le prince qui étoient aussi fort éloignés s’avisèrent de mettre l’épée à la main. Ceux qui étoient, les plus proches de ces deux crièrent aux armes. Chacun les prit : mes amis mirent l’épée et le poignard à la main ; et, par une merveille qui n’a peut-être jamais eu d’exemple, ces épées, ces poignards, ces pistolets demeurèrent un moment sans action ; et dans ce moment Crenan[1], qui commandoit la compagnie des gendarmes de M. le prince de Conti, mais qui étoit aussi de mes anciens amis, et qui se trouva par bonheur en présence avec M. de Laigues avec lequel il avoit logé dix ans durant, lui dit « Que faisons-nous ? nous allons faire égorger M. le prince et M. le coadjuteur. Schelme qui ne remettra l’épée dans son fourreau ! » Cette parole proférée par un des hommes du monde dont la réputation pour la valeur étoit la mieux établie, fit que tout le monde sans exception suivit son exemple. Cet événement est peut-être un des plus extraordinaires qui soit arrivé dans notre siècle. La présence d’esprit et de cœur d’Argenteuil ne l’est guère moins. Il se trouva par hasard fort près de moi quand je fus pris par le cou dans la porte, et il eut assez de sang-froid pour remarquer que Pesche, un fameux séditieux du parti de M. le prince, me cherchoit des yeux le poignard à la main, disant : « Où est le coadjuteur ? » Argenteuil, qui se trouva par bonheur près de moi, parce qu’il s’étoit avancé pour parler à quelqu’un qu’il

  1. Le marquis de Crenan, capitaine des gardes du prince de Conti.