Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/418

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tout je ne puis m’imaginer, madame, que le coadjuteur soit assez fou pour se mettre cette vision dans la fantaisie. »

Voilà une des conversations de madame de Chevreuse avec la Reine. Il y en eut vingt ou trente de cette nature, dans lesquelles il se trouva à la fin que la Reine persuada à madame de Chevreuse que j’étois assez fou pour me mettre cette vision dans l’esprit, et dans lesquelles pareillement madame de Chevreuse persuada à la Reine que je l’y avois effectivement beaucoup plus fortement qu’elle ne l’avoit cru elle-même. Je ne m’oubliai pas de ma part ; je jouai bien : je passai dans les conversations de la rêverie à l’égarement ; et je ne revins de celui-ci que par des reprises qui, en marquant un profond respect pour elle, marquoient toujours du chagrin et quelquefois de l’emportement contre le cardinal. Je n’aperçus pas que je me brouillois à la cour par cette conduite : mais mademoiselle de Chevreuse, à laquelle sa mère avoit jugé de la faire agréer pour la raison que vous verrez ci-après, prit en gré de la brouiller au bout de deux mois, par la plus grande et la plus signalée de toutes les imprudences. Je vous rendrai compte de ce détail après que je me serai satisfait moi-même sur une omission qu’il y a déjà assez long-temps que je me reproche dans cet ouvrage.

Presque tout ce qui y est contenu n’est qu’un enchaînement de l’attachement que la Reine avoit pour M. le cardinal Mazarin ; et il me semble par cette raison que je devois même beaucoup plus tôt vous en expliquer la nature, de laquelle je crois que vous pouvez juger plus sûrement, si je vous expose, au préa-