Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/428

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ravi dans le fond de lui voir prendre le parti de l’éloignement, ne le fut guère moins de se pouvoir ou plutôt de se vouloir persuader à soi-même que M. le prince étoit content de lui, et par conséquent la dupe du concert dont il avoit été avec la Reine, touchant la nomination des ministres. Il crut que par cette raison il pouvoit fort bien demeurer avec lui à tout événement ; et le foible qu’il avoit toujours à tenir des deux côtés l’emporta même plus loin et plus vite qu’il n’avoit accoutumé : car il eut tant de précipitation à faire paroître de l’amitié à M. le prince au moment de son départ, qu’il ne garda plus aucunes mesures avec la Reine, et qu’il ne prit pas même le soin de lui expliquer le sous-main des fausses avances qu’il fit pour le rappeler. Il lui dépêcha un gentilhomme, pour le prier de l’attendre à Angerville. Il donna en même temps ordre à ce gentilhomme de n’arriver à Angerville que quand il sauroit que M. le prince en seroit parti. Comme il se défioit de la Reine, il ne voulut pas lui faire confidence de cette méchante finesse, qu’il ne faisoit que pour persuader à M. le prince qu’il ne tenoit qu’à lui qu’il ne demeurât à la cour. La Reine, qui sut l’envoi du gentilhomme, et qui n’en sut pas le secret, crut qu’il n’avoit pas tenu, à Monsieur de retenir M. le prince. Elle en prit ombrage, elle m’en parla ; je lui dis ingénument ce que j’en savois, qui étoit le vrai, quoique Monsieur ne, m’eût fait qu’un galimatias fort embarrassant et fort obscur. La Reine ne crut pas que je la trompasse mais elle s’imagina que j’étois trompé, et que Chavigny s’étoit rendu maître de l’esprit de Monsieur à mon préjudice. Cette opinion n’étoit pas fondée ;