Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/427

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il avoit pour elle l’en empêchoit. Cette dernière parole, qui sembloit marquer que sans la considération de ce respect il y eût pu aller en sûreté, aigrit la Reine au delà de ce que j’en avois vu jusqu’à ce moment ; et elle me dit le soir ces propres mots : « M. le prince périra, ou je périrai. » Je n’étois pas payé pour adoucir son esprit en cette occasion. Comme je ne laissai de lui représenter, par un pur principe d’honnêteté, que l’expression de M. le prince pouvoit avoir un autre sens et plus innocent, comme il étoit vrai, elle me dit d’un ton de colère : « Voilà une fausse générosité ; que je hais ! » Ce qui est constant, c’est que la lettre de M. le prince au Roi étoit très-sage et très-mesurée.

M. le prince, après le voyage de Trie, étoit revenu à Chantilly. Il y apprit que la Reine avoit déclaré les nouveaux ministres[1] le jour de la majorité, qui fut le 7 du mois ; et ce qui acheva de le résoudre de s’éloigner encore davantage de la cour fut l’avis qu’il eut dans le même moment par Chavigny, que Monsieur ne s’étoit pu empêcher de dire en riant, à propos de cet établissement : « Celui-ci durera plus que celui du jeudi saint. » Il ne laissa pas de supposer, dans la lettre qu’il écrivit à Monsieur pour se plaindre de ce même établissement, et pour lui rendre compte des raisons qui l’obligeoient à quitter la cour : il ne laissa pas, dis-je, de supposer, et sagement, que Monsieur partageoit l’offense avec lui. Monsieur, qui étoit

  1. Avoit déclaré les nouveaux ministres : Châteauneuf fut placé à la tête des affaires ; les sceaux furent rendus à Mole ; et La Vieuville, dont le fils étoit l’amant de la princesse palatine, devint surintendant des finances.