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DU CARDINAL DE RETZ. [1649]

recevoir aucune parole de lui, et de se servir de ce prétexte pour en faire purement une affaire de parti. Cette résolution fut très-mal exécutée. M. de Beaufort, au lieu de faire ce qui avoit été résolu, s’emporta de chaleur. Il tira d’abord la nape, il renversa la table ; l’on coiffa d’un potage le pauvre Vineuil, qui n’en pouvoit pas davantage, et qui se trouva par hasard à table avec eux. Le pauvre commandeur de Jars eut le même sort. L’on cassa les instrumens sur la tête des violons. Menil, qui étoit avec M. de Beaufort, donna trois ou quatre coups d’épée à Jarzé. M. de Candale et M. de Boutteville, qui est aujourd’hui M. de Luxembourg, mirent l’épée à la main ; et sans Caumesnil, qui se mit au devant d’eux, ils eussent couru fortune, dans la foule des gens qui avoient tous l’épée hors du fourreau.

Cette aventure me donna une cruelle douleur, et aux partisans de la cour la satisfaction d’en jeter sur moi le blâme dans le monde ; mais cela ne fut pas de longue durée, parce que l’application que j’eus à en empêcher les suites fit assez connoître mon intention, et parce qu’il y a des temps où certaines gens ont toujours raison. Par la raison des contraires, Mazarin avoit toujours tort. Nous ne manquâmes point de célébrer, comme nous devions, la levée du siége de Cambray ; le bon accueil fait à Servien, pour le payer de la rupture de la paix de Munster[1] ; le bruit du

  1. La rupture de la paix de Munster : Les frondeurs accusoient mal à propos Servien d’avoir fait manquer à Munster la paix avec l’Espagne. L’accueil qu’il reçut à la cour étoit tout naturel, parce qu’il avoit eu la principale part au traite de Westphalie, qui avoit rendu la paix à l’Empire, et posé les bases du système d’equlibre de l’Europe.