Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/167

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jurer de ne m’en donner aucune de cette nature, qui ne serviroit qu’à donner de l’ombrage à ses fidèles serviteurs. Ce Bluet m’a juré plus d’une fois qu’il avoit vu cette lettre en original entre les mains d’Ondedei, qui ne la reçut que justement dans le temps où j’étois enfermé avec la Reine dans le petit cabinet. Il est vrai aussi que j’observai que, quand elle y rentra, elle se mit auprès d’une fenêtre dont les vitres descendent jusqu’au plancher, et qu’elle me fit mettre en lieu où tout ce qui étoit dans la cour la pouvoit voir, et moi aussi. Ce que je vous raconte est assez bizarre ; et j’aurois encore de la peine à le croire, si tout ce que j’observai dans la suite ne m’avoit fait connoître que la défiance étoit si généralement répandue à Compiègne et en tous les particuliers, et sur tous les particuliers, que qui ne l’a pas vu ne le peut concevoir. Messieurs Servien et Le Tellier se haïssoient cordialement. Ondedei étoit leur espion comme il l’étoit de tout le monde ; l’abbé Fouquet aspiroit à la seconde place dans l’espionnage ; Bertet, Brachet, Ciron et le maréchal Du Plessis y étoient pour leur vade. Madame la palatine m’avoit informé de la carte du pays ; mais je vous confesse que je ne me l’étois pu figurer au point que je la trouvai. La Reine toutefois ne put s’empêcher, nonobstant l’avis d’Ondedei, de me témoigner et joie et reconnoissance. « Mais comme, ajouta-t-elle, les conversations particulières feroient parler le monde plus qu’il ne convient à Monsieur et à vous-même, à cause des égards qu’il faut garder vers le peuple, voyez la palatine, et convenez avec elle de quelques heures secrètes où vous puissiez voir M. Servien. » Bluet