Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/29

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soit plus fâché que moi que les choses soient dans un état qui fasse qu’un sujet puisse et doive même parler ainsi à sa maîtresse. »

J’expliquai à ce propos à M. de Damville ce qui s’étoit passé autrefois sur cela dans les conversations que j’avois eues avec la Reine. Il en fut touché, parce que, dans la vérité, il étoit bien intentionné et passionné pour la personne du Roi ; et il s’affecta si fort, particulièrement de l’effort que je lui dis que j’avois fait pour faire connoître à la Reine qu’il ne tenoit qu’à elle de se rendre maîtresse absolue de tous nos intérêts, et des miens encore plus que de ceux des autres, qu’il s’ouvrit bien plus qu’il n’avoit fait de tendresse pour moi, et qu’il me dit : « Ce misérable (en parlant du cardinal) va vous perdre ; songez à vous, car il ne pense qu’à vous empêcher d’être cardinal ; je ne puis vous en dire davantage. » Vous verrez dans peu que j’en savois plus sur ce chef que celui qui m’en avertissoit.

Comme nous étions sur ce discours, Monsieur rentra dans le cabinet des livres ; et, en s’appuyant sur M. le président de Bellievre, il dit à M. de Damville qu’il allât chez Madame, qui l’avoit envoyé chercher. Il s’assit, et il me dit : « Je viens de raconter à M. le président ce que j’ai dit devant vous à M. de Damville : mais il faut que je vous dise à tous deux ce dont je n’ai eu garde de m’ouvrir devant lui. Je suis cruellement embarrassé : car je vois que ce que je lui ai soutenu être nécessaire, et ce qui l’est en effet ne laisse pas d’être très-mauvais : ce que je crois n’être jamais arrivé en aucunes affaires du monde qu’en celle-ci. J’y ai fait réflexion toute ma