Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/330

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ci-dessus, de se voir ballotté inutilement tous les soirs et tous les matins, lui dépêcha un courrier pour l’avertir que Chigi seroit pape en dépit de la France, si elle faisoit tant que de lui donner l’exclusion, comme l’on disoit car, dès qu’on le vit sur les rangs, tous les subalternes, selon le style de la nation, publièrent que le Roi ne le souffriroit jamais. Mazarin ne fut pas de leur sentiment, et il renvoya par le même courrier ordre à de Lyonne de ne le point exclure. Il eut raison ; car je suis persuadé que si l’exclusion fût arrivée, Chigi eût été pape trois jours plus tôt qu’il ne le fut.

Les couronnes ne doivent jamais hasarder facilement ces exclusions : il y a des conclaves où elles peuvent réussir ; il y en a d’autres où le succès en seroit impossible. Celui-là étoit du nombre. Le sacré collége étoit fort, et de plus il sentoit sa force.

Les choses étant dans l’état que je viens de poser, messieurs les cardinaux de Médicis et Barberin me chargèrent, sur les neuf heures du soir, d’en aller porter la nouvelle à M. le cardinal Chigi. Je le trouvai au lit ; je lui baisai la main. Il m’entendit, et il me dit en m’embrassant : Ecco l’effetto de la buona vicinanza. Je vous ai déjà dit que j’étois au scrutin auprès de lui. Tout le collége y accourut ensuite. Il m’envoya querir sur les onze heures, après que tout le monde fut sorti de sa cellule ; et je ne vous puis exprimer les bontés avec lesquelles il me traita. Nous l’allâmes tous prendre le lendemain au matin dans sa cellule ; et nous l’accompagnâmes à la chapelle du scrutin, où il eut, ce me semble, toutes les voix, à la réserve d’une ou tout au plus de deux. Le soupçon