Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/331

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tomba sur le vieux Spada, Grimaldi et Rosetti, lesquels, à la vérité furent les seuls qui improuvèrent, au moins publiquement, son exaltation. Grimaldi me dit à moi-même que j’avois fait un choix dont je me repentirois en mon particulier ; et il se trouva par l’événement qu’il dit vrai. J’attribuai son discours à son travers ; l’aversion de Spada à l’envie qui lui étoit naturelle ; et celle de Rosetti à l’appréhension qu’il avoit de la sévérité de Chigi. Je crois encore que je ne me trompois pas dans, ce jugement, quoique j’avoue qu’ils ne se trompoient pas eux-mêmes pour le fond. Ce qui est constant est que jamais élection de pape n’a été plus universellement applaudie. Il ne se défaillit pas à lui-même dans les premiers momens, qui, par une imperfection assez bizarre de la nature humaine, surprennent davantage les gens qui les attendent avec le plus d’impatience. La suite a fait voir qu’il n’étoit pas assez homme de bien pour n’en avoir pas eu beaucoup dans ce rencontre. Il fut si éloigné d’en donner aucunes marques, que nous eûmes sujet de croire qu’il en avoit de la douleur. Il pleura amèrement au même moment que l’on relisoit le scrutin qui le faisoit pape ; et comme il vit que je le remarquois ; il m’embrassa d’un bras, et prit de l’autre Lomelin qui étoit au dessous de lui et il nous dit à l’un et à l’autre : « Pardonnez cette foiblesse à un homme qui a toujours aimé ses proches avec tendresse, et qui s’en voit séparé pour jamais. » Nous descendîmes après les cérémonies accoutumées Saint-Pierre ; il affecta de ne s’asseoir que sur le coin de l’autel, quoique les maîtres des cérémonies lui dissent que la coutume étoit que les papes se missent justement