Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/357

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retournai à Rome, où je trouvai le Pape aussi changé sur toutes choses sans exception, qu’il me l’avoit déjà paru pour moi. Il ne tenoit plus rien de sa prétendue piété que son sérieux, quand il étoit à l’église ; je dis son sérieux et non pas sa modestie, car il paroissoit beaucoup d’orgueil dans sa gravité. Il ne continua pas seulement l’abus du népotisme, en faisant venir ses parens à Rome ; il le consacra en le faisant approuver par les cardinaux, auxquels il en demanda leur avis en particulier, pour ne point être obligé de suivre celui qui pourroit être contraire à sa volonté. Il étoit vain jusqu’au ridicule, et au point de se piquer de sa noblesse, comme un petit noble de la campagne à qui les élus la contesteroient. Il étoit envieux de tout le monde sans exception. Le cardinal Cesi disoit qu’il le feroit mourir de colère à force de lui dire du bien de saint Léon. Il est constant que monsignor Magalotti se brouilla presque avec lui, parce qu’il lui parut qu’il croyoit mieux savoir la Crusca. Il ne disoit pas un mot de vérité ; et le marquis Riccardi, ambassadeur de Florence, écrivit au grand duc ces propres paroles à la fin d’une dépêche qu’il me montra : In fine, serenissimo signore, habbiamo un papa chi non dice mai una parola di verita. Il étoit continuellement appliqué à des bagatelles ; il osa proposer un prix public pour celui qui trouveroit un mot latin pour exprimer chaise roulante, et il passa une fois sept ou huit jours à chercher si mosco venoit de musca, ou si musca venoit de mosco. M. le cardinal Imperiale m’ayant dit le détail de ce qui s’étoit passé en deux ou trois assemblées d’académie qui s’étoient tenues sur ce digne sujet, je crus qu’il exagéroit pour se divertir,