Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/358

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et je perdis cette pensée dès le lendemain : car le Pape nous ayant envoyé querir, M. le cardinal Rapaccioli et moi, et nous ayant commandé de monter avec lui dans son carrosse, il nous tint trois heures entières que la promenade dura, sur les minuties les plus fades que la critique la plus basse d’un petit collége eût pu produire ; et Rapaccioli, qui étoit un fort bel esprit, me dit quand nous fûmes sortis de sa chambre, où nous le conduisîmes, qu’aussitôt qu’il seroit retourné chez lui, il distilleroit le discours du Pape, pour voir ce qu’il pourroit trouver de bon sens d’une conversation de trois heures dans laquelle il avoit toujours parlé tout seul. Il eut une affectation, quelques jours après, qui parut être d’une grande puérilité. Il mena tous les cardinaux aux sept églises ; et comme le chemin étoit trop long pour le pouvoir faire avec un aussi grand cortége dans le cours d’une matinée, il leur donna à dîner dans le réfectoire de Saint-Paul, et il les fit servir à portion à part, comme l’on sert les pélerins dans le temps du jubilé. Véritablement toute la vaisselle d’argent qui fut employée avec profusion à ce service fut faite exprès, et d’une forme qui avoit rapport aux ustensiles ordinaires des pélerins. Je me souviens, entre autres, que les vases dans lesquels l’on nous servit le vin étoient tout-à-fait semblables aux calebasses de Saint-Jacques. Mais rien ne fit mieux paroître, à mon sens, son peu de solidité, que le faux honneur qu’il se voulut donner de la conversion de la reine de Suède[1]. Il y avoit plus de dix-huit mois qu’elle avoit abjuré son hérésie, quand elle prit la pensée de venir à Rome. Aussitôt. que le

  1. Christine. (A. E.)