Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/491

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eux-mêmes : regardez leurs intérêts : songez que c’est ce qui fait agir presque tous les hommes ; que la plupart de ceux qui vous estiment et qui vous aiment s’aiment encore mille fois mieux, et craignent beaucoup plus leur perte qu’ils ne souhaitent votre grandeur. Enfin représentez-vous que ceux qui vous font espérer leur assistance sont ou étrangers, ou de votre pays même. Les plus considérables entre les premiers sont les Français, qui ne sauroient l’entreprendre parce qu’ils sont assez empêchés maintenant à se défendre dans leur propre pays des armées de l’Empire et de l’Espagne ; et que ceux qui le peuvent, qui sont les Génois, ne le voudront pas parce que la peur fera appréhender aux uns les dangers qui sont attachés aux affaires de cette nature, et que l’intérêt fera craindre aux autres la perte de leur repos et de leur fortune. La plupart de ceux qui n’ont point ces considérations sont des gens d’une si petite naissance et de si peu de pouvoir, que l’on n’en peut rien espérer d’avantageux à votre parti. De sorte que la trop grande puissance de Doria et la mauvaise condition du temps qui vous donnent des pensées de révolte, vous en devroient donner de patience, puisqu’elles ont tellement abattu les esprits des Génois qu’ils se font présentement un honneur de soumettre, par reconnoissance, à l’autorité d’André la liberté qu’il leur a rendue, et qu’il n’avoit arrachée des mains des étrangers que pour en usurper la domination. Ne voyez-vous pas que cette république n’a eu depuis long-temps que l’image d’un gouvernement libre, et qu’elle ne sauroit plus se passer de maître ? Ne voyez-vous point que la maison de Doria attache à ses intérêts la meilleure partie de la noblesse par les emplois qu’elle lui donne sur la mer ; et qu’à la faveur de l’Empire et de l’Espagne elle tient tout le reste dans la crainte ? Ne voyez-vous pas dis-je que tous les Génois sont comme ensevelis dans une profonde léthargie, et que les moins lâches ne croient point qu’il soit déshonnête de céder à cette haute puissance, pourvu qu’ils ne l’adorent pas ? Je ne prétends point justifier ici l’imprudence de la république, qui a permis l’élévation de cette maison, qu’elle ne sauroit plus souffrir sans honte ni abattre sans danger. Mais j’ose sou-