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souvent tout le reste : de même que le désordre d’une seule roue peut arrêter le mouvement des plus grandes machines. Cependant il est fort difficile que durant la nuit, et parmi le tumulte qui accompagne d’ordinaire ces entreprises, le cœur ou le jugement ne manque à quelqu’un des conjurés, et que, trouvant le péril de près plus terrible que de loin, il ne se repente de s’y être engagé. Mais lorsqu’ils marchent tous ensemble l’exemple anime et rassure les plus timides, qui sont contraints de se laisser entraîner par le nombre, et de faire par nécessité ce que les braves font par valeur.

Ceux qui sont d’une opinion contraire soutiennent que dans ces entreprises qui se font la nuit dans une ville où l’on a de grandes intelligences, et la plupart du peuple favorable, et où les conjurés peuvent se rendre maîtres des postes principaux avant que leurs ennemis soient en état de les disputer, il vaut mieux former divers corps et faire des attaques différentes en beaucoup d’endroits, parce qu’en donnant plusieurs alarmes à la fois en des lieux éloignés, on oblige ceux qui se défendent à séparer leurs forces, sans savoir combien ils en doivent détacher, et l’épouvante que ces surprises causent ordinairement est bien plus forte lorsque le bruit vient de tous côtés, que quand il ne faut pourvoir qu’à un seul. Outre que, dans des rues étroites comme sont celles de Gênes, un nombre médiocre fait autant d’effet que le plus grand et que dix hommes, à la faveur de la moindre barricade, n’étant attaqués que de front, y peuvent en arrêter cent fois autant des plus braves gens du monde, et donner le loisir à ceux qui sont derrière eux de se rallier. Enfin ceux qui sont de la dernière opinion croient que, dans une entreprise comme celle-ci, il est moins avantageux au parti des conjurés d’unir leurs forces en un seul corps que de les répandre en divers endroits de la ville, ayant la faveur de la plupart des habitans ; parce que l’on soulève tout à la fois, et qu’ils prennent plus aisément les armes quand ils se voient appuyés, et sont plus capables de servir lorsqu’ils ont des troupes réglées, et des personnes de créance à leur tête.

Toutes ces raisons étant justement balancées de part et d’autre je crois que le comte de Fiesque en usa très-judicieusement : car