Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/516

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il me semble qu’eu cette occasion les inconvéniens que nous venons de dire étoient moins à craindre qu’ils ne sont d’ordinaire, parce que son parti n’étoit pas seulement composé de gens de guerre et de noblesse, mais encore d’un grand nombre de peuple dont il étoit assuré. De sorte qu’ayant dans tous les quartiers de Gênes des forces considérables, il avoit sujet de croire que la garnison qui étoit extrêmement foible, et ceux qui nè lui étoient pas favorables, ne pourroient apporter aucun obstacle à ses desseins, ni faire résistance qui fût capable d’ébranler ceux qui combattoient pour lui. C’est pourquoi étant sorti de son palais, il divisa ses gens selon l’ordre qu’il avoit résolu, et en même temps que le coup de canon qui avoit été donné pour signal fut tiré de sa galère, Coranille surprit la garde qui étoit à la porte de l’Arc, et s’en rendit maître sans aucune peine. Ottobon et Hiérôme, frères du comte, accompagnés de Calcagno et de soixante soldats, ne trouvèrent pas tant de facilité à celle de Saint-Thomas, par la résistance de Sébastien Lercaro, capitaine, et de son frère, qui firent ferme assez long-temps. Mais celui-ci ayant été tué et l’autre pris, quelques-uns même de leurs soldats qui étoient de l’intelligence ayant tourné leurs armes en faveur des Fiesques, ceux de la garde lâchèrent le pied, et abandonnèrent leur poste aux ennemis. Jeannetin Doria éveillé, ou par le bruit qui se fit à cette porte, ou par les cris qui se faisoient en même temps dans le port, se leva en grande hâte ; et sans être accompagné d’autre personne que d’un page qui portoit un flambeau devant lui, il accourut à la porte Saint-Thomas, ou ayant été reconnu par les conjurés, il fut tué en arrivant.

Cette précipitation de Jeannetin sauva la vie à André Doria et lui donna le temps de monter à cheval et de se retirer à quinze milles de Gênes, parce que Hiérôme de Fiesque, qui avoit eu ordre de son frère de forcer le palais de Doria incontinent après qu’il se seroit saisi de la porte de Saint-Thomas, voyant que Jeannetin s’étoit fait tuer par son imprudence, préféra la conservation des richesses immenses qui étoient dans le palais, et qu’il eût été bien malaisé de sauver des mains des soldats, à la prise d’André Doria, qu’il ne considéroit plus que comme un vieillard cassé dont la perte devoit être indifférente. Pendant que ces choses se passoient au