Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/523

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et les autres chargent de blâme, et que plusieurs excusent. Si l’on considère cette maxime, qui conseille de respecter toujours le gouvernement présent du pays ou l’on est, sans doute que son ambition est criminelle. Si l’on regarde son courage et toutes les grandes, qualités qui éclatèrent dans la conduite de cette action, elle paroît noble et généreuse. Si l’on a égard à la puissance de la maison de Doria, qui lui donna un juste sujet d’appréhender la ruine de la république et la sienne propre, elle est excusable. Mais de quelque façon que l’on en parle, les langues et les plumes passionnées ne sauroient désavouer que le mal qu’elles en peuvent dire ne lui soit commun avec les hommes les plus illustres. Il étoit né dans un petit État, où toutes les conditions particulières étoient au dessous de son cœur et de son mérite ; l’inquiétude naturelle de sa nation, portée de tout temps à la nouveauté ; l’élévation de son propre génie, sa jeunesse, ses grands biens, le nombre et la flatterie de ses amis ; la faveur du peuple, les recherches des princes étrangers, et enfin l’estime générale de tout le monde, étoient de puissans séducteurs pour inspirer de l’ambition à un esprit encore plus modéré que le sien. La suite de son entreprise est un de ces coups que la sagesse des hommes ne sauroit prévoir : Si le succès en eut été aussi heureux que sa conduite fut pleine de vigueur et d’habileté, il est à croire que la souveraineté de Gênes n’eût pas borné son courage ni sa fortune, et que ceux qui condamnèrent sa mémoire après sa mort auroient été les premiers à lui donner de l’encens durant sa vie. Les auteurs qui l’ont noirci de tant de calomnies pour satisfaire la passion des Doria et justifier la mauvaise foi du sénat de Gênes, auroient fait son panégyrique par un intérêt contraire, et la postérité l’auroit mis au nombre des héros de son siècle : tant il est vrai que le bon ou le mauvais événement est la règle ordinaire des louanges ou du blâme que l’on donne aux actions extraordinaires. Néanmoins je crois que nous pouvons dire, avec toute l’équité que doit garder un historien qui porte son jugement sur la réputation des hommes, qu’il n’y avoit rien à désirer dans celle du comte Jean-Louis qu’une vie plus longue, et des occasions plus légitimes pour acquérir de la gloire.