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SABBAT

nant, la tête pesante de roses, la poitrine gonflée de l’Espérance détestable, il dort sur mon sein sans péché.

Nous aurons ce que nous voulons, va, tous les deux, et notre curiosité écoute d’étranges sonorités d’argent du côté où passent les licornes divines.

Éloigne-toi. Laisse-moi à ce songe inouï qui me visite souvent dans mon sommeil de prédestinée :

Seule, toujours seule, je m’avance dans l’Univers tandis qu’étendards de nuées, battent, au-dessus de ma tête, les ailes des grands exils.

Le monde — excuse la mégalomanie des insensés joyeux quand ils dorment ! — le monde n’a pas d’autres habitants que moi, mais le ciel, devant moi, est de topaze claire, couleur de somptuosité et de célébration divine.

Je m’avance dans la musique… Toujours la musique ! Les arbres sont agités d’une sourde et farouche tempête de fin des temps. Je vais… Je vais… La terre, toute la terre frémit sous mes pieds, car Orphée, la lyre à la main, la parcourt, dans ses souterrains les plus insondables, de mon même pas victorieux et tranquille.

Je vais… Je vais… Et je sais que je suis le Poète et que ma course mortelle va prendre fin car plus l’harmonie nous devient sensible, plus nous comprenons que notre règne approche.