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SABBAT

que moi seule entends. Laisse-moi à mes pieds nus, mais à ma tête qui reçoit le sacre. Laisse-moi à mon inconcevable orgueil de Poète, à tous les vaisseaux que je corromps et je séduis par la promesse des Conquistadors démoniaques. Laisse-moi à tous les soleils que j’atteins, à toutes les patries que je me donne, à tous les Colomb qui débarquent pour repartir, les épaules pleines de goudron et d’étoiles… « Hourrah ! Combien en avez-vous inventé de Nouveaux Mondes, là-bas, là-bas, vers les rives inaccessibles ?… »

— « Pars… Gagne le large… Il en est toujours, toujours des rives inaccessibles… »

— « Et des Mondes Nouveaux !… Gloire à nous… » —

Laisse-moi à tous les infinis où je plonge par le glaive et les ailes et la puissance illimitée.

Laisse-moi à mes forêts vierges où je charme et je dupe le singe en prenant l’apparence de la liane, où je fais, en dansant, se répandre, comme une neige nourricière, la fleur jaune du cotonnier…

Laisse-moi… Que j’y découvre, encore, contre la pierre chaude, déserte, dorée, le serpent joueur de flûte, le Tentateur à l’œil d’amour.

Laisse-moi, laisse-moi. Je n’aime que ma Présence, et pleure une fois de plus, toi qui ne cesses pas de pleurer, myosotis délicat et sacrilège : je n’ai voulu de toi que la substance qui a nourri mon Satan. Et mainte-