Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/306

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
304
LE JOURNAL.

doigt désignant le berceau de mousseline bleue où reposait Raymonde, il répondit :

— Elle.

Je compris tout d’un coup et j’éprouvai alors, c’est étrange à dire, comme une sorte de soulagement. Oui, je respirais. C’est que j’avais tout entrevu, tout redouté : en une minute d’affolement les pires éventualités, les plus invraisemblables, m’étaient apparues possibles. Aussi, à tout ce que j’avais confusément imaginé, préférais-je cent fois la réalité, si triste qu’elle fût.

— Encore ! Toujours vos idées ! murmurai-je,

— Ecoutez-moi, dit-il.

Au ton tragique sur lequel il prononça ces derniers mots, une angoisse mortelle m’étreignit le cœur. Quelques secondes s’écoulèrent dans un profond silence.

Il parla. Sa voix était brève, sèche, saccadée. On le devinait troublé par une profonde émotion. On sentait aussi, rien qu’à son verbe contracté, l’effort violent qu’il faisait pour la dissimuler.

— Raymonde, vous m’avez demandé un jour — il n’y a pas longtemps — de vous dire pourquoi, en dépit de vos supplications