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D’UNE FEMME DU MONDE

et de la peine immense que je savais vous faire, je ne « pouvais » pas aimer votre fille. Je vous ai alors répondu : « L’heure n’a pas encore sonné. » J’espérais toujours que la tempête, qui agite dans ma pauvre tête les plus noires et les plus folles idées, n’était que passagère et se calmerait un jour. Vain espoir ! Le jour n’est pas venu et ne viendra jamais. C’est pourquoi je me décide à rompre le pénible silence que je gardais obstinément, en dépit de vos supplications. J’étouffe. Je veux parler.

Il s’arrêta. Sa poitrine haletait ; ses lèvres tremblaient et toute sa figure m’apparut décomposée.

Il reprit :

— Vous m’avez demandé si j’étais jaloux de votre fille ? C’eût été ridicule. Vous l’avez dit vous-même : l’amour qu’une femme a pour son enfant ne saurait amoindrir celui qu’elle a pour son amant. Aussi, quand vous m’avez posé cette question, je vous ai répondu : non. Vous m’avez ensuite demandé si c’était parce que vous l’aimiez que je souffrais. Cette fois, je vous ai répondu : oui. Et la contradiction apparente de ces deux affirmations vous a fait conclure : Je ne vous comprends pas.