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D’UNE FEMME DU MONDE

suis jaloux !… Ah ! vous comprenez maintenant, et vous frissonnez d’effroi rien qu’à la pensée des tortures qu’il m’a fallu subir !… Et vous voyez bien maintenant que mon mal est sans remède, qu’il est incurable, car vous l’aimerez toujours, cette enfant que je hais et que j’adore, parce qu’elle est de lui et qu’elle est de vous, et quoi que vous fassiez, quoi que vous disiez, quoi que vous vouliez, c’est toujours l’autre, le père, le mort, que vous aimerez à travers elle !

J’étais glacée de terreur. Une sueur froide m’inondait le front. Je ne sus que répondre.

— Vous vous taisez ! reprit-il. Vous savez, aussi bien que moi, que toute consolation serait vaine. Vous comprenez…

Je fis un violent effort sur moi-même et l’interrompant :

— Taisez-vous ! m’écriai-je. Taisez-vous, Roger ! C’est fou, c’est fou, ce que vous dites-là ! Non, non, je ne le comprends pas ! Je ne veux pas le comprendre !…

Il eut un sourire amer.

— Vous ne « voulez » pas ? répéta-t-il. C’est donc que vous avez compris !

— Roger !… Je vous en supplie !