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LE JOURNAL

me paraissaient très vraisemblables, puisque mon papa avait bien, lui, autant de pièces d’or que les allées du parc de petits cailloux.

Or, un jour — le souvenir m’en est resté vivace dans la mémoire — papa reçut à table, au milieu du déjeuner, une dépêche ; il la lut longuement, bien qu’elle ne comptât que quelques mots ; son visage s’altéra tout d’un coup ; il froissa fébrilement le papier bleu, le lut et le relut encore, puis le passa, sans mot dire, à maman, dont le front, toujours si pur, s’assombrit. Le repas s’acheva dans un silence glacial. Le lendemain, on me mettait au couvent.

Les fêtes s’espacèrent alors au château de Clovers, bien qu’il demeurât toujours le centre le plus aristocratiquement fréquenté de la région : elles ne tardèrent pas à s’évanouir tout à fait.

Mais n’est-ce pas un gros péché que je commets, en cherchant à pénétrer des secrets qui ne me regardent pas ? N’est-ce pas manquer de respect envers ceux à qui je dois tout et qui sont si bons pour moi ?

Donc, me voici dans ma chambre de petite fille. Je poursuis ma revue : de la table où j’écris, à la lumière de la lampe, j’aperçois,