Page:Pierre Duhem - Les Origines de la statique, tome premier, 1905.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 35 —

tains auteurs, mais qui, du moins, exhuma et remit en circulation une partie des trésors amassés par Léonard !

Parmi ceux qui s’emparèrent, pour les ordonner, les commenter et les développer, des pensées de Léonard de Vinci, il convient de citer en première ligne Jérôme Cardan ; il ne fut pas seul, d’autres le précédèrent ou l’imitèrent ; c’est ainsi, pour ne donner qu’un exemple, que nous retrouvons l’influence de Léonard dans les écrits de Jean-Baptiste Benedetti ; mais Cardan fut des premiers à publier les résultats les plus essentiels qu’eût obtenus le grand peintre en méditant sur la Mécanique ; sa grande notoriété, l’ample diffusion de ses ouvrages, les firent connaître partout ; c’est par les écrits de Cardan que les idées de Léonard parvinrent à Galilée, à Kepler, à Simon Stevin et qu’elles exercèrent, sur le développement de la Mécanique, une puissante et bienfaisante influence.

L’opinion que nous venons d’émettre a, pour l’histoire de la Mécanique, de graves conséquences[1]. Elle nous montre dans les écrits de Léonard et de Cardan le canal par où la Mécanique péripatéticienne, après avoir longtemps dormi dans le bassin où l’enfermaient les commentateurs scolastiques, s’est répandue dans la science moderne pour la féconder. Si cette opinion est exacte, elle est appelée à jeter un grand jour sur l’évolution qui a dépouillé de leur écorce archaïque les germes contenus dans la science de l’École et leur a fait produire la science du xviie siècle. Il importe donc de l’étayer de solides arguments.

Que les manuscrits de Léonard de Vinci aient été, au milieu du xvie siècle, en butte à un véritable pillage, c’est un fait malheureusement trop certain ; on connaît la

  1. M. E. Wohlwill a émis d’une manière tout à fait incidente, et sans y insister, l’opinion que Tartaglia et Cardan avaient pu subir, d’une manière directe ou indirecte, l’influence de Léonard de Vinci. — Voir : E. Wohlwill, Die Entdeckung des Beharrungsgesetzes (Zeitschrift für Völkerpsychologie und Sprachwissenschaft, Bd. XIV, p. 386, en note ; 1883).