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négligence avec laquelle s’acquittèrent de leur mission ceux qui avaient la garde de ce précieux dépôt : « Non seulement les ouvrages rédigés par le grand peintre ont péri, dit Libri[1], mais on a perdu aussi la plupart des livres où il écrivait ses notes. Après sa mort, tous ses manuscrits, ses dessins et ses instruments devinrent la propriété de François Melzi, son élève, à qui il les avait légués. Melzi, qui n’était qu’un amateur, plaça ce précieux héritage dans sa maison de Vaprio près de Milan ; ses descendants n’en tinrent aucun compte et un certain Lelio Gavardi, parent d’Alde Manuce le jeune, et précepteur dans cette famille, ayant remarqué qu’on laissait perdre cette belle collection, déroba treize de ces manuscrits, et les porta en Toscane pour les vendre au grand-duc François Ier ; mais ce prince venait de mourir, et ils furent déposés à Pise chez Alde, qui les montra à son ami Mazenta. Celui-ci désapprouva fortement la conduite de Gavardi qui, honteux de sa mauvaise action, le chargea de rapporter à Milan et de restituer ces manuscrits aux Melzi. Horace, alors chef de cette famille, ignorant la valeur de ces treize volumes, en fit cadeau à Mazenta et lui dit qu’on avait oublié dans un coin de sa maison de Vaprio beaucoup d’autres dessins et manuscrits de Léonard. Plusieurs amateurs obtinrent ensuite les dessins, les instruments, les préparations anatomiques, enfin tout ce qui restait du cabinet de Léonard. Pompée Leoni, sculpteur au service de Philippe II, fut des mieux partagés... »

Ainsi, dans le trésor amassé par le génie de Léonard, chacun fouillait à sa guise et prenait ce qui lui plaisait. Les traités étaient retenus par ceux qui y prenaient intérêt, ou circulaient de main en main jusqu’à ce qu’ils fussent égarés. Nous savons par Pacioli[2] que Léonard avait complètement achevé la rédaction de son Traité de

  1. Libri, Histoire des Sciences mathématiques en Italie, tome III, p. 33. Paris, 1840.
  2. Pacioli, Divina proportione, fol. 1. Venetiis, 1509.