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extraire le suc des pensées semées par Léonard, l’assimiler, le transformer et nourrir à son tour la science du xvie siècle d’idées qui, faute de son heureuse indiscrétion, fussent demeurées, inutiles et inconnues, ensevelies dans la maison des Melzi.

Dans le domaine même de la Mécanique, où ses emprunts à Léonard ont été particulièrement nombreux, il a su, nous l’allons voir, mettre l’empreinte de son originalité à côté du sceau du génie qu’avait imprimé son devancier.

Cardan ne dédaignait point d’exercer son talent de géomètre en des démonstrations construites à la manière d’Archimède et de combler certaines lacunes que l’illustre Syracusain avait laissées béantes. Ainsi Archimède avait toujours négligé le poids du levier ou du fléau de balance auxquels il suspendait les graves dont il étudiait l’équilibre ; Cardan se proposa de déterminer les propriétés mécaniques d’un fléau de balance horizontal, homogène, suspendu par un quelconque de ses points. C’est l’objet de l’article intitulé, dans le De Subtilitate[1], « Staterae ratio » et que son traducteur Richard Le Blanc désigne en ces termes : « La manière de la livre vulgairement dite à Paris un traîneau, de quoi coustumièrement usent les tisserans, en latin Statera[2]. »

Cardan fait reposer son analyse sur deux propositions prises pour axiomes. Il admet, en premier lieu, qu’un segment AB′ (fig. 12), égal au petit bras AB du fléau et pris sur le grand bras, fait équilibre au petit bras AB ; il admet, en second lieu, que le reste B′C du grand bras pèse comme un poids égal pendu au milieu M de B′C : « Si la livre [fléau] est estimée sans pois et, de la partie qui est la différence des longitudes depuis la chasse, un pois égal soit estendu par toute la verge, il aura égale pesanteur

  1. Cardan, De Subtilitate, Livre I, 1re édition, p. 31.
  2. Cardan, Les Livres de la Subtilité, traduis de latin en françois par Richard Le Blanc. Paris, l’Angelier, 1556, p. 17.