Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/159

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Si l’on souscrit légèrement à certaines réputations de probité, on en flétrit souvent avec une témérité encore plus blâmable, par passion, par intérêt. On abuse du malheur d’un homme pour attaquer sa probité. On s’élève contre la réputation des autres, uniquement pour donner opinion de sa vertu.

Si un homme a le courage de défendre une réputation qu’il croit injustement attaquée, on ne lui fait pas toujours l’honneur de le regarder comme une dupe ; ce soupçon seroit trop ridicule : on suppose qu’il a intérêt de soutenir une thèse extraordinaire. Qu’on se soit visiblement trompé en jugeant défavorablement, on n’est suspect que d’un excès de sagacité ; mais si c’est en jugeant trop favorablement, c’est, dit-on, le comble de l’imbécillité : cependant l’erreur est la même, et le caractère est très-différent.

Ces faux jugemens ne partent pas toujours de la malignité. Les hommes font beaucoup d’injustices sans méchanceté, par légèreté, précipitation, sottise, témérité, imprudence.

Les décisions hasardées avec le plus de confiance font le plus d’impression. Eh ! qui sont ceux qui jouissent du droit de prononcer ? Des gens qui, à force de braver le mépris, viennent à bout de se faire respecter, et de donner le ton ; qui n’ont que des opinions et jamais de