Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/158

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prouvent ma bonté ; car ils n’oseroient pas les faire sous tout autre prince. Il avoit raison ; les reproches des courtisans valent souvent des éloges, et leurs éloges sont des piéges.

À l’égard des réputations de probité, il est étonnant qu’il n’y en ait pas plus d’établies, attendu la facilité avec laquelle on l’usurpe quelquefois. On ne voyoit jadis que des hypocrites de vertu ; on trouve aujourd’hui des hypocrites de vice. Des gens ayant remarqué qu’une vertu austère n’est pas toujours exempte d’un peu de dureté, parce qu’on est moins circonspect quand on est irréprochable, et qu’on s’observe moins quand on ne craint pas de se trahir ; ces gens tirent parti de leur férocité naturelle, et souvent la portent à l’excès, pour établir la sévérité de leur vertu : leurs déclarations contre l’impudence sont des preuves continuelles de la leur. Qu’il y a de ces gens dont la dureté fait toute la vertu ! L’étourderie est encore une preuve très-équivoque de la franchise ; on ne devroit se fier qu’à l’étourderie de ceux à qui elle est souvent préjudiciable.

La dureté et l’étourderie sont des défauts de caractère qui n’excluent pas absolument, et supposent encore moins la vertu ; mais qui la gâtent, quand ils s’y trouvent unis. Cependant combien de fois a-t-on été trompé par cet extérieur !