Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/251

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vicieux qu’il soit d’ailleurs, mentir à celui qui lui est soumis, parce qu’il ne le craint pas. Si cela arrive, c’est sûrement par une vue d’intérêt, auquel cas il cesse en ce point d’être puissant, et devient alors dépendant de ce qu’il désire, et ne peut emporter par la force ouverte.

Il ne faut pas être surpris qu’un homme d’esprit soit trompé par un sot. L’un suit continûment son objet, et l’autre ne s’avise pas d’être en garde. La duperie des gens d’esprit vient de ce qu’ils ne comptent pas assez avec les sots, c’est à-dire, de ce qu’ils les comptent pour trop peu.

On auroit plus de raison de s’étonner des fautes grossières où les gens d’esprit tombent d’eux-mêmes. Leurs fautes sont cependant encore moins fréquentes que celles des autres hommes ; mais quelquefois plus graves et toujours plus remarquées. Quoi qu’il en soit, j’en ai cherché la raison, et je crois l’apercevoir dans le peu de rapport qui se trouve entre l’esprit d’un homme et son caractère ; car ce sont deux choses très distinctes.

La dépendance mutuelle de l’esprit et du caractère peut être envisagée sous trois aspects. On n’a pas le caractère de son esprit, ou l’esprit de son caractère. On n’a pas assez d’esprit pour son caractère. On n’a pas assez de caractère pour son esprit.