Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/252

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Un homme, par exemple, sera capable des plus grandes vues, de concevoir, digérer et ordonner un grand dessein. Il passe à l’exécution et il échoue, parce qu’il se dégoûte, qu’il est rebuté des obstacles même qu’il avoit prévus et dont il voyoit les ressources. On le reconnaît d’ailleurs pour un homme de beaucoup d’esprit, et ce n’est pas en effet par là qu’il a manqué. On est étonné de sa conduite, parce qu’on ignore qu’il est léger et incapable de suite dans le caractère ; qu’il n’a que des accès d’ambition qui cèdent à une paresse naturelle ; qu’il est incapable d’une volonté forte à laquelle peu de choses résistent, même pour les gens bornés ; et qu’enfin il n’a pas le caractère de son esprit. Sans manquer d’esprit, on manque à son esprit par légèreté, par passion, par timidité.

Un autre, d’un caractère propre aux plus grandes entreprises, avec du courage et de la constance, manquera de l’esprit qui fournit les moyens ; il n’a pas l’esprit de son caractère.

Voilà l’opposition du caractère et de l’esprit. Mais il y a une autre manière de faire des fautes, malgré beaucoup d’esprit même analogue au caractère ; c’est lorsqu’on n’a pas encore assez d’esprit pour ce caractère.

Un homme d’un esprit étendu et rapide aura des projets encore plus vastes : il faut nécessai-