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CHAPITRE XIV.

Sur l’estime et le respect.


Ce que j’ai dit jusqu’ici des différens jugemens des hommes m’engage à tâcher d’en pénétrer les causes.

Toutes les facultés de notre âme se réduisent, comme on l’a vu, à sentir et penser ; nous n’avons que des idées ou des affections, car la haine même n’est qu’une révolte contre ce qui s’oppose à nos affections.

Dans les choses purement intellectuelles nous ne ferions jamais de faux jugemens, si nous avions présentes toutes les idées qui regardent le sujet dont nous voulons juger. L’esprit n’est jamais faux, que parce qu’il n’est pas assez étendu, au moins sur le sujet dont il s’agit, quelqu’étendue qu’il pût avoir d’ailleurs sur d’autres matières ; mais dans celles où nous avons intérêt, les idées ne suffisent pas à la justesse de nos jugemens. La justesse de l’esprit dépend alors de la droiture du cœur, et du calme des passions ; car je doute qu’une démonstration mathématique parût une vérité à quelqu’un dont elle combattroit une passion forte ; il y supposeroit du paralogisme.