Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/259

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Si nous sommes affectés pour ou contre un objet, il est bien difficile que nous soyons en état d’en juger sainement. Notre intérêt plus ou moins développé, mieux ou moins bien entendu, mais toujours senti, fait la règle de nos jugemens.

Il y a des sujets sur lesquels la société a prononcé, et qu’elle n’a pas laissés à notre discussion. Nous souscrivons à ses décisions par éducation et par préjugé ; mais la société même s’est déterminée par les principes qui dirigent nos jugemens particuliers, c’est-à-dire, par l’intérêt. Nous consultons tous séparément notre intérêt personnel bien ou mal appliqué ; la société a consulté l’intérêt commun qui rectifie l’intérêt particulier. C’est l’intérêt public, peut-être l’intérêt de ceux qui gouvernent, mais qu’il faut bien supposer juste, qui a dicté les lois et qui fait les vertus ; c’est l’intérêt particulier qui fait les crimes, quand il est opposé à l’intérêt commun. L’intérêt public, fixant l’opinion générale, est la mesure de l’estime, du respect, du véritable prix, c’est-à-dire, du prix reconnu des choses. L’intérêt particulier décide des jugemens les plus vifs et les plus intimes, tels que l’amitié et l’amour, les deux effets les plus sensibles de l’amour de nous-mêmes. Passons à l’application de ces principes.